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MADEMOISELLE DAFNÉ (Edition Illustrée) By Théophile Gautier

MADEMOISELLE DAFNÉ (Edition Illustrée)

By Théophile Gautier

  • Release Date: 2022-11-27
  • Genre: Classics
  • $11.99

Description

MADEMOISELLE DAFNÉ (Edition Intégrale - Version Entièrement Illustrée) * Inclus une courte biographie de Théophile Gautier Descriptif : Mlle Dafné de Boisfleury, née Mélanie Tripier, a disparu du "monde" de Paris. On la retrouve à Rome, dans la villa Pandolfi, où elle reçoit quelques hôtes dont le prince Lothario ... Extrait : Blonde primitivement, la Dafné, pour se conformer à la mode qui régnait alors, était devenue rousse par l’usage de certains cosmétiques renouvelés de la parfumerie vénitienne au seizième siècle. Retombant sur sa nuque en épais chignon, ses cheveux allumés au soleil de paillettes lumineuses brillaient comme des papillons d’or dans un filet. Elle avait les yeux vert de mer — procellosi oculi — des yeux de tempête rehaussés par des sourcils et des cils bruns, singularité piquante due à la nature ou à l’art, mais en tout cas d’un bon effet. Sa peau était trop blanche pour n’être pas truitée de quelques taches de rousseur sous sa poudre de riz et sa couche de fard hortensia, mais ce défaut se compensait par l’extrême finesse du tissu, et, d’ailleurs, en ce siècle de maquillage, on a le teint qu’on veut. Ses lèvres ravivées d’une couche de carmin laissaient voir en s’entr’ouvrant des dents pures et bien rangées, mais dont les canines très pointues, faisaient penser à la denture des Elfes, des Nixes et autres créatures aquatiques d’un commerce dangereux. Quant à ses toilettes, elles étaient très variées, mais toujours extravagantes ; pittoresques, cependant, comme des travestissements de carnaval. C’était un luxe fou et une surcharge bizarre de tous les brimborions qu’invente la mode du demi-monde, ne sachant plus où donner de la tête pour tirer l’œil et faire scandale. Petits chapeaux andalous, hongrois, russes, avec plumes de paon, voilette-masque, constellations de paillettes d’acier, franges de larmes en verre, garnitures de perles en jais et autres fanfreluches de même sorte qui bruissaient comme la têtière d’une mule espagnole ; vestes turques, zouaves, chemises cosaques, garibaldis historiés de boutons, de grelots, de ferrets et de soutaches si compliquées que l’étoffe disparaissait ; jupons tailladés, retroussés, bouffants, plaqués de quilles et de losanges des couleurs les plus voyantes et les plus brusquement associées, bottes mignonnes en maroquin du Levant à hauts talons rouges et à glands d’or ; rien n’y manquait, et soyez certain sans l’avoir vu que ses boutons étaient blasonnés de fers à cheval et de fouets en sautoir. Elle ressemblait, à s’y méprendre, à un de ces croquis élégamment exagérés des costumes du jour dont Marcelin illustre la Vie parisienne. Or il advint qu’au milieu de son triomphe, à l’apogée de son succès, mademoiselle Dafné de Boisfleury disparut subitement. L’astre eut une éclipse et s’effaça du ciel de la galanterie. Qu’était-elle devenue ? des créanciers lassés d’attendre l’avaient-ils envoyée en villégiature à Clichy ? était-elle tombée amoureuse de quelque mineur séraphique exigeant d’elle un renoncement complet à Satan et à ses pompes ? un pacha civilisé, las de Géorgiennes, de Circassiennes et de négresses, lui avait-il proposé un engagement de cinq cent mille francs pour son sérail, avec clause de réclusion et de fidélité ? Personne n’en savait rien. On alla même jusqu’à supposer que, prise par quelque remords soudain, elle s’était enfouie au fond d’un monastère. À cette aventure, il fallait une explication bizarre et romanesque, car la Dafné était trop belle, trop jeune et trop en vogue pour qu’on pût songer à l’un de ces désastres vulgaires qui remettent lorsqu’elles vieiltissent ces créatures dans l’inconnu d’où elles sortent.